Description
Ecole Italienne de la première moitié du XXème siècle – Huile sur toile – 60 x 120 cm
Aux XVIIème et XVIIIème siècle, trois styles dominent l’art européen ; le baroque, le rococo et le néoclassicisme se mêlent et se chevauchent. Dans l’ensemble, le baroque couvre le XVIIème siècle, le rococo la première moitié du XVIIIème siècle et le néoclassicisme, la seconde moitié.
La baroque naît à Rome et se diffuse dans les pays catholiques car sa sensibilité s’accorde avec l’expression de la ferveur religieuse. Le rococo naît en France, son style plus léger privilégie le profane ; en réaction à sa frivolité, le néoclassicisme ressuscite les formes et les valeurs de l’art antique.
L’Art Français & Le Goût Rocaille
A la mort de Louis XIV en 1715, le monde ancien s’écroule. La Régence libère les mœurs, Versailles est abandonné, la société nouvelle construit des hôtels particuliers à Paris et des châteaux en Province. Le goût « moderne » s’allège et le rocaille (1) se greffe sur cette évolution. Les décorations deviennent désinvoltes, les pièces plus petites, les boiseries plus claires et les meubles plus souples.
En peinture, si Charles Le Brun (2) a créé un style décoratif grandiose qui doit autant à Nicolas Poussin (3) qu’au baroque italien, ses successeurs ne résistent pas au changement de goût. La querelle entre « poussinistes » – admirateurs de Poussin, inconditionnels du dessin – et « rubéniens » – laudateurs de Rubens (4), passionnés de couleur – démêle les « anciens » des « modernes ».
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« D’abord ils se sont dressés et battus avec acharnement qui me faisait frémir pour ces messieurs, mais vraiment admirable pour la peinture. J’ai vu là, j’en suis certain, tout ce que Gros et Rubens ont pu imaginer de fantastique et de plus léger. »
Eugène Delacroix (1798-1863), peintre romantique français, Journal, 1832.
Rococo & Plaisirs Conjugués
Le style badin et décoratif connu sous le nom de rococo s’invite dans les cours royales d’Europe durant la plus grande partie du XVIIIème siècle. Evinçant le baroque, le style met l’accent sur l’élégance, la frivolité et le charme.
« Le baroque dompté et atténué pour une époque plus civilisée, non dépourvue d’un certain sens de l’humour. »
Sir Michael Levey (1927-2008), historien d’art britannique, à propos du style rococo – 1966.
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Lorsque le rococo apparaît en France au tournant du siècle, il demeure à la mode jusque dans les années 1770, puis il cède peu à peu la place au néoclassicisme. A son apogée, le style atteint un mélange irrésistible de grâce, d’esprit et d’érotisme enjoué.
A l’origine, le terme rococo est moqueur ; il aurait été inventé vers 1790 par un élève de Jacques-Louis David (5) lorsque la considération du style est au plus bas. Rococo résulte de la contraction de rocaille – la décoration fantaisiste utilisée pour le mobilier et les fontaines sous la Régence de Louis XV – et de barroco – « perle irrégulière » en portugais, qui donne naissance au mouvement artistique baroque. Le rococo est ainsi perçu de manière péjorative tel un détournement trivial et comique du baroque.
Si le rococo est ressenti comme une extension du baroque, il est surtout une réaction à son égard. Ses artistes travaillent pour le même genre de mécènes et abordent les mêmes types de sujets ; toutefois, ils en bannissent la pompe et la grandeur.
En France, Jean-Antoine Watteau (1684-1721), François Boucher (1703-1770) et son élève Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) sont les peintres emblématiques du rococo. En Italie, Giambattista Tiepolo (1696-1770) et ses fresques sont associés au style. En Allemagne, en Autriche et en Angleterre, il s’exprime surtout en architecture et dans les arts décoratifs.
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Les peintres du rococo conservent les thèmes en vogue de l’âge baroque – les traitant de manière douce et enjouée – et manifestent un goût prononcé pour les effets théâtraux. Les personnages dépeints sont souvent vêtus de costumes fantaisistes et leurs procédés sont toujours très imaginatifs.
Les sujets mythologiques et symboliques servent de prétexte pour peindre les nus féminins tandis que les thèmes amoureux sont particulièrement prisés pour éprouver l’espièglerie érotique.
Le XVIIIème siècle n’est pas plus malicieux que le siècle précédent, il en dévoile tout simplement davantage. Avide de plaisirs, la France des Lumières étale ses mœurs dissolues, sans contenir cette révolution des mentalités. Certains même, tels Voltaire (1694-1778), Diderot (1713-1784) et le Marquis de Sade (1740-1814) intègrent les jouissances privées à l’espoir d’une société épanouie : ces hommes à la philosophie sensualiste trouveraient-ils du sens dans le bonheur des sens ?
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Une part de la littérature et de la peinture participe à cet affranchissement. Le siècle de Crébillon (7) et de tous ces romans qu’on ne lit que d’une main, est aussi celui des fêtes galantes de Watteau, des nus érotiques de Boucher ou de son gendre Pierre-Antoine Baudouin (1723-1769) dit « Baudoin le Coquin ». Ces experts en polissonneries et gaillardises variablement crues, car tout est affaire de dosage, se livrent à un double jeu permanent : celui de la décence pigmentée d’indécence…
« Fort peu, mon enfant, fort peu, on est revenu de cette manie d’obliger gratuitement les autres ; l’orgueil peut-être en était un instant flatté, mais comme il n’y a rien de si chimérique et de sitôt dissipé que ses jouissances, on en a voulu de plus réelles, et on a senti qu’avec une petite fille comme vous par exemple il valait infiniment mieux retirer pour finir de ses avances tous les plaisirs que le libertinage peut donner que de s’enorgueillir de lui avoir fait l’aumône. »
Justine ou Les Malheurs de la Vertu, 1791 – Extrait.
Fêtes Galantes
Lorsque Jean-Antoine Watteau présente sa toile Le Pèlerinage à l’île de Cythère en 1717 à l’Académie Royale de peinture et de sculpture de Paris, il insuffle un nouveau procédé emprunté à la pièce de théâtre. Watteau offre un univers visuel neuf impulsant le genre pictural des « fêtes galantes » ; à travers celui-ci, il déploie le charme, la sensualité et la romance aux accents typiquement rococo.
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Associées à l’œuvre de Watteau, « les fêtes galantes » désignent ces scènes de genre où les réjouissances d’honnêtes gens et de personnages élégants aux bonnes manières occupent la toile, dans des parcs somptueux ou des salons feutrés.
Une fête galante est la représentation d’une idylle romanesque où les hommes et les femmes en costumes se divertissent, badinent et flânent amoureusement dans une atmosphère de fantaisie théâtrale.
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L’idée remonte aux compositions symboliques médiévales du mythique jardin d’amour ; elle évoque également les plus belles heures de Versailles, lorsque Louis XIV propose à sa cour la première « Fête des Plaisirs de l’Ile Enchantée » du 7 au 13 mai 1664, organisée en l’honneur de sa mère Anne d’Autriche (1601-1666) et de la reine Marie-Thérèse d’Autriche (1638-1683).
Feux d’artifices, musiques, scènes de ballets et de théâtres encadrent ces six jours de festivités à la centaine d’invités. Le romanesque et la galanterie deviennent synonymes de l’élite aristocratique et scellent définitivement le mythe de Versailles comme lieu de réjouissances.
Le thème est modifié au cours des siècles, en particulier par Pierre Paul Rubens, mais Jean-Antoine Watteau se l’approprie entièrement s’inspirant des pièces de théâtre de son temps et des improvisations de la comédie italienne.
Une Théâtralité à tendance Comique
Qu’il s’agisse de mythologies, de paysages, de pastorales, de portraits, de scènes de genre ou galantes, de nus ou déshabillés, le rococo touche à tous les genres.
Les artistes créent des compositions qui s’apparentent à des opéras, laissant apparaître au coin de leurs toiles un rideau tiré révélant la scène, de sorte que le spectateur ait l’impression d’assister à une représentation théâtrale.
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Souvent, cette théâtralité prend des formes humoristiques ; François Boucher doit son succès à ce genre de « comédies ». Dans ses scènes pastorales, la campagne devient un décor idyllique, les bergers négligent leur travail et les maîtresses batifolent dans les prés ensoleillés. Les badinages romanesques obsèdent le goût rococo : l’amour, la séduction et le relâchement moral triomphent.
Après les lourdes allégories et les tableaux d’histoire du baroque, ce délassement semble bienvenu aux mécènes de l’époque. La thématique prend des formes variées selon les artistes. Tiepolo revêt ses personnages d’exotisme, quand chez Watteau et Fragonard, l’amour devient un jeu sophistiqué où l’infidélité et le libertinage sont décrits comme des incidents inoffensifs.
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Ces artistes incarnent la corruption de l’idéal académique et des bonnes mœurs ; ils se désignent sous leurs pinceaux « immoraux » à la vindicte des honnêtes gens. Ils n’en ont que faire, tant qu’éthique et esthétique riment avec le regard lubrique qu’ils portent sur la vie…
Ils sont néanmoins brocardés par les ennemis de la « petite manière » et du goût rococo qui n’apprécient guère les chairs dodues, les angelots, les riches étoffes et les dorures.
Le manque de sérieux est le principal reproche adressé au rococo. Après 1770, les voix s’élèvent et dénoncent cette peinture licencieuse, pourtant impulsée par le pouvoir royal. Le goût se détourne de la frivolité vers le style « plus sévère » du néoclassicisme.
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« Rococo est un mot de l’argot des ateliers, étendu à une valeur de style. »
André Chastel (1912-1990), historien d’art spécialiste de la Renaissance italienne.
Ecole Italienne de la première moitié du XXème siècle
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Au summum de l’exubérance et du charme légèrement érotique, la mise en scène est parfumée à « l’essence rococo » …
Chaleureuse, cette peinture d’inspiration clairement rococo offre une vision spontanée grâce à la palette de couleurs vives utilisée pour les tenues et les décors, laquelle donne une certaine vivacité à l’atmosphère pourtant légère.
A la fois théâtrale et intime, la scène est empreinte d’humour. Les personnages semblent peu soucieux et peu contraints ; tandis que deux musiciennes jouent de leurs instruments, une troisième se laisse aller avec volupté sous le regard d’un homme d’église. Contre-pied aux compositions religieuses moralisantes et à la noblesse de la peinture d’histoire, le peintre tourne en ridicule les relations convenues entre parvenus où l’érudition n’est peut-être que faux-semblant.
La frivolité ambiante rappelle les scènes de François Boucher ou encore la peinture satirique du peintre anglais William Hogarth (1697-1764), lequel moquent les mœurs aristocratiques de l’époque à travers ses contes moraux.
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Notes :
1- Le style Régence, rocaille ou encore rococo, est un style de décoration en vogue sous la Régence de Louis XV, caractérisé par la fantaisie des lignes contournées rappelant les volutes des coquillages. Le style rocaille trouve son expression majeure dans le mobilier et la réalisation des fontaines.
2- Charles Le Brun (1619-1690) est un décorateur français, premier peintre du Roi Louis XIV.
3- Nicolas Poussin (1594-1665) est un peintre français, représentant majeur du classicisme pictural au XVIIème siècle.
4- Pierre Paul Rubens (1577-1640) est un peintre de l’école baroque flamande.
5- Jacques-Louis David (1748-1825) est un peintre français considéré comme le chef de file du mouvement néoclassique. Il opère une rupture avec le style galant et libertin de la peinture rococo du XVIIIème siècle.
6- Philippe Chéry (1759-1838) est un peintre, illustrateur et critique d’art français représentant du style néoclassique.
7- Claude-Prosper Jolyot de Crébillon (1707-1777) est un écrivain, chansonnier et goguettier français.
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