Description
« Et maintenant le soleil s’est arrêté tout en haut au centre du ciel ; et la statue dans un bonheur d’éternité noie son âme dans la contemplation de son ombre. »
Giorgio de Chirico (1888-1978), La Volonté de la Statue.
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De l’Abstraction Surréaliste à la Peinture Métaphysique
Au-delà d’un mouvement ou d’une discipline, l’art abstrait ouvre la voie du surréalisme. Si le mot fait aujourd’hui partie du langage courant, son sens s’est élargi à tel point que nous en oublions son origine. Annoncé dès 1917 par Guillaume Apollinaire (1880-1918) dans L’Esprit nouveau, puis défini par André Breton (1896-1966) dans son Manifeste du surréalisme en 1924, le surréalisme démontre que « l’existence est ailleurs ».
Cet art de la représentation éloignée de la réalité et du monde des apparences instaure un basculement radical à l’encontre du culte de la ressemblance. Il illustre ce qui n’est pas ordinaire, ce qui échappe à toute vérité, ce qui dépasse l’entendement.
Sous différentes formes – émotionnelles, plastiques, esthétiques, symboliques ou spirituelles – la peinture abstraite est avant tout un « langage visuel » qui oppose les valeurs de liberté, de rêve et de désir à l’ordre social et moral établi. Inspiré des études psychanalytiques de Sigmund Freud (1856-1939), le mouvement cherche à révéler les mécanismes de l’inconscient et à déstabiliser la perception usuelle de la réalité par la voie d’un art onirique et inattendu.
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Si Guillaume Apollinaire et André Breton bénéficient d’une aura auprès des jeunes créateurs, ces deux poètes attentifs aux avant-gardes artistiques opèrent une véritable révolution culturelle entre 1924 et 1940 entourés de leurs camarades peintres et écrivains ; Louis Aragon, Robert Desnos, Paul Eluard, René Magritte, Philippe Soupault, Marcel Duchamp, Salvador Dalí, Joan Miró et Jacques Prévert sont quelques-uns des plus connus.
Parmi eux, le jeune artiste grec Giorgio de Chirico (1888-1978) se démarque et invente son propre courant d’avant-garde. Frappé très jeune par les réalisations romantiques aux ambiances oniriques et mystérieuses d’Arnold Böcklin (1827-1901), il se fraye rapidement un chemin esthétique au côté de la solennité et de l’énigme, à travers une tendance qu’il appellera très tôt la « peinture métaphysique ».
Pittura Metafisica
L’apparition de la dimension métaphysique dans la peinture est un moment clef de la modernité artistique au début du XXème siècle. La Pittura Metafisica est un mouvement artistique italien fondé en 1917 par Carlo Carrà (1881-1966), Giorgio de Chirico et son frère cadet Alberto Savinio (1891-1952). Au-delà de l’apparence et de l’expérience des sens, l’idée est de conserver un aspect figuratif tout en se détachant du monde, proposant de images étranges, figées dans le temps et dans l’espace. Au cours du XXème siècle, les artistes Giorgio Morandi (1890-1964), Man Ray (1890-1976) et Giuseppe Prinzi (1962) approchent le style et proposent des œuvres d’inspiration métaphysique.
Qu’elles soient Ulysse, Ariane, un homme politique, un philosophe ou un mannequin, les statues peuplent les toiles métaphysiques. Telles des héroïnes mythologiques abandonnées dans un décor incongru, géométrique ou asymétrique, leur présence donne aux compositions une forte dimension spirituelle.
Affirmant la matérialité et plaçant ses composantes en tant que signes mêmes de l’œuvre, l’abstraction questionne. Nouvel enjeu, la peinture devient objet et sujet. Les artistes abstraits remettent en cause la dialectique traditionnelle – le processus de la création, les éléments qui la désordonnent et les outils pour y parvenir – tous ces facteurs deviennent des intermédiaires et non des moyens de la définir. Puisque la lecture formaliste du tableau abstrait isole ses composants, chacun devient signifiants.
Nature Morte à la Sculpture
Quel lien existe-t-il entre une sculpture antique, un rideau aux motifs géométriques, un jeu de cartes et des dés ?
Aucun ! c’est bien ce qui intéresse le peintre : révéler le non-sens par le rapprochement d’éléments hétéroclites.
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Dans sa composition, Troisgros fait preuve de précision de la forme et de l’image afin de renforcer leurs puissances interrogatives. Tel un architecte, il tente de donner sens aux fragments épars de son œuvre.
Si les toiles de Carrà et de Man Ray ressemblent à un rébus encombré d’objets aléatoires, il en va de même pour Nature Morte à la Sculpture, qu’il convient de déchiffrer car tout s’y trouve en désordre. Le dépaysement spatio-temporel est total – l’incohérence du plan, l’incertitude de temporalité et la perspective confuse embarrasse le spectateur. La rencontre improbable d’une sculpture à l’allure douteuse, de dés et de cartes, sur fond de drap coloré aux formes géométriques intrigue et pousse aux interprétations.
Revenant à la traditionnelle nature morte, Troisgros en renouvelle complètement le genre : il bouleverse la mise en scène et assume un goût pour la matière picturale comme vecteur de lumière. Potentiellement, les natures mortes de la peinture abstraite sont tels des « mythes modernes », chargés d’une part de rêve et d’un pouvoir d’égarement qui fascine les surréalistes.
Dans cet univers plastique, la mise en scène ouvre une fenêtre, celle de l’imaginaire. A la manière de Giorgio de Chirico, de Carlo Carrà ou de Man Ray, Troisgros met l’accent sur l’incohérence propre à la peinture figurative métaphysique.
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L’artiste privilégie l’instantanéité et l’éclat de la couleur grâce à une technique qui remonte au XVIème siècle, le pastel.
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Petite Histoire du Pastel
Auparavant utilisé comme esquisse préalable à l’exécution d’un tableau à l’huile, le pastel est progressivement considéré comme une création artistique à part entière. Si Les Florentins et les Vénitiens l’utilisent dès le XVIème siècle, le genre connaît son âge d’or au XVIIIème siècle grâce aux portraitistes qui obtiennent d’étonnants effets chromatiques, comme en témoigne la délicate peinture de Madame Vigée Le Brun (1).
La pastelliste vénitienne Rosalba Carriera (1675-1757) lance la mode en France sous la Régence. Sa gamme de couleurs claires et le brillant de sa technique plaisent aussitôt aux amateurs français. Le pastel acquiert ainsi ses lettres de noblesse et s’impose dès lors comme la technique la plus vivante pour fixer les traits d’une élite soucieuse d’élégance.
Plus tard, les peintres Jean-Etienne Liotard (1702-1789), Jean Siméon Chardin (1699-1779), Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783) et Maurice-Quentin de La Tour (1704-1788) adoptent le pastel. Ils traduisent avec subtilité l’instantanéité d’un regard et la fraîcheur de la carnation féminine ; les étoffes, les broderies et les dentelles sont portées à un rare degré de perfection.
Jugée frivole et secondaire, cette pratique est quelque peu délaissée au tournant du XIXème siècle. Elle est menée au premier rang par les artistes romantiques tel Eugène Delacroix (1798-1863), qui apprécient sa rapidité d’exécution et sa puissante luminosité. Grâce à l’apparition des colorants synthétiques, les marchands de couleurs proposent des gammes complètes capables de concurrencer visuellement la peinture à l’huile. Les pastellistes travaillent ainsi les couleurs, sans assistant, ni palette, ni mélange, directement sur le papier en écrasant leurs poudres.
Cet art bénéficie d’un véritable renouveau durant le premier quart du XIXème siècle puis au XXème siècle, notamment chez les surréalistes.
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Note :
1- Elisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), pastelliste et portraitiste attitrée de Marie-Antoinette d’Autriche (1755-1793).
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