Description
Trésor de l’Expérience Humaine
Les chefs-d’œuvre de l’histoire de la peinture se présentent aux spectateurs sous bien des aspects. Les plus petits pourraient tenir dans une main, tandis que les plus grands déploient leur magnificence sur les vastes plafonds des palais et des églises. Le champ des représentations est immense : d’une figuration minutieuse du monde naturel aux audacieux vertiges du surnaturel, chaque peinture raconte une histoire : celle des moments clés de l’Histoire, de la mythologie et de la littérature.
Admirer une peinture est une expérience personnelle qui vous mène vers des contrées lointaines. Si l’art célèbre la beauté, il peut être insoutenable de splendeur.
Plus on s’intéresse à l’art, plus on ressent l’œuvre, mieux on en jouit. Connaître l’histoire d’une création, la destinée de son artiste et ses techniques – d’ombres, de lumières et de perspectives – contribuent à enrichir la connaissance des arts. Quand le peintre saisit une ressemblance ou fixe son imaginaire sur la toile, il transmet le sentiment certain qu’il est face à un spectacle qui l’inspire.
Dans une lettre adressée à l’humaniste Baldassare Castiglione (1478-1529), Raphaël écrira :
« Pour peindre la beauté, j’ai besoin d’avoir sous les yeux plusieurs jolies femmes […] mais comme je n’en ai pas à ma disposition, je me sers d’une certaine idée qui me vient à l’esprit. »
Une œuvre comporte fréquemment des niveaux de significations dissimulées – un minuscule reflet dans un miroir, un croissant de lune haut dans le ciel, un ange dansant négligemment au bout d’un pied – autant d’indices que de sens supposés.
Trouver son chemin sur une toile de maître revient à partir en voyage pour explorer la séduction infinie d’un enrichissement toujours plus profond.
Un Brin Maniériste…
A l’aube de la Renaissance s’amorce un vaste mouvement de renouveau des idéaux culturels de l’Antiquité classique, qui s’épanouit pleinement au XVème siècle. Florence en est l’initiatrice, Venise élabore la tradition picturale. Au début du XVIème siècle, la Haute Renaissance magnifie l’art italien, réputé pour sa grâce et sa talentueuse complexité ; ses qualités sont affinées et exacerbées dans un style sophistiqué : le Maniérisme.
« Maniérisme » est le nom donné au style qui se déploie au XVIème siècle, entre la Haute Renaissance et le Baroque. Cette tendance rime à la fois avec rupture et perfectionnement. Le terme dérive de l’italien « maniera », qui signifie « style » et « élégance ».
Inspirés par les dernières œuvres de Michel-Ange et de Raphaël, les maniéristes italiens jouent avec le langage formel de la Haute Renaissance, pour créer un style délibérément artificiel, prisant l’élongation des corps, les couleurs irréelles mais décoratives et les attitudes sinueuses complexes – qui rappellent le contrapposto. (1)
Peindre après la Perfection
Vers 1520, année de la mort de Raphaël, l’art italien semble parvenu à son apogée. De même, on estime que les artistes de la Haute Renaissance ont atteint le summum de la beauté, de l’harmonie et de la réussite technique. Leurs successeurs se trouvent confronter à un dilemme : comment dépasser la perfection ?
L’art n’est jamais figé et les origines du Maniérisme sont manifestes dans les œuvres de maturité de Raphaël et Michel-Ange. Les artistes de la génération suivante sont inspirés par la virtuosité et la théâtralité des dernières créations de ces maîtres. Même s’ils utilisent les formes classiques de la Renaissance, ils en brisent les règles : les poses se contorsionnent, le déséquilibre remplace l’équilibre, la composition devient incohérente au profit d’une échelle et d’une perspective déformées, souvent créatrices d’une sensation troublante de l’espace.
« Scène de l’Histoire Antique »
Nul besoin de séjourner à Rome ou à Athènes pour saisir l’importance de l’art antique. Des collections privées aux collections publiques de musées, des arènes aux autres vestiges de portes romaines, l’Antiquité se rencontre à tous les coins d’Europe. Les Egyptiens, les Byzantins et les Celtes sont le symbole de la stylisation, ancrée dans une réalité souvent mythologique.
Les peintures et les sculptures créées à l’apogée de la Grèce et de la Rome antiques, constituent les sources de l’art occidental. Rétrospectivement, la postérité y voit une époque de primauté artistique, qu’elle ne peut guère espérer égaler, tout juste s’en inspirer. Nobles et grandioses, les œuvres d’art antique sont admirées et portées aux nues au fil des siècles, des nouvelles découvertes et des nouveaux courants stylistiques.
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« J’ai toujours pensé que les anciens romains avaient largement surpassé tous ceux qui leur ont succédé. »
Andrea Palladio (1508-1580), architecte et auteur italien, 1570.
Une Energie Emotionnelle Puissante
Habile dans le goût antique, l’artiste fait preuve d’une remarquable organisation pour mener à bien sa tâche. Cette fresque n’offre pas seulement un épisode classique, elle est une scène dynamique chargée de passion. Une fois le drame et l’émotion instaurés, la théâtralité mouvementée, les gestes outrés, les attitudes décousues et l’éclairage dissonant transportent l’œuvre de l’art idéal de la Haute Renaissance à l’art maniériste.
Elégant et artificiel à la fois, la recherche de l’exagération mène au raffinement. Les attitudes héroïques soulignent la composition et intensifient l’émotion.
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L’artiste semble puiser dans les innovations de Venise, de Florence et de Padoue, dans un style qui accorde la primauté à la couleur et à l’atmosphère. Le bleu brillant, particulièrement éclatant sur la robe de l’héroïne, rappelle l’outremer de Titien obtenu à partir du lapis-lazuli. (2)
Scène de l’Histoire Antique dégage une forte sensation de monumentalité et incarne sans conteste l’héritage du renouveau des études classiques. La modernité de la perspective, les proportions divines et la nette sensation d’espace tridimensionnel représentent les idéaux de la Haute Renaissance.
L’architecture de la fresque reste imaginaire. L’artiste installe ses personnages affolés au cœur d’une scène extrêmement agitée – centre de l’espace et point de convergence des lignes de fuite de la composition.
Son échelle, sa splendeur et ses palais romains en arrière-plan créent l’illusion de la profondeur.
Mythologie
Semi-légendaire, l’histoire antique habite cette toile. La présence de l’aigle – emblème des légions romaines – représente l’audace et la majesté. Il est aussi le prestigieux compagnon de Zeus chez les Grecs, et de Jupiter chez les Romains – Dieux qui gouvernent le Ciel et la Terre.
Le personnage central drapé de bleu pourrait être Asclépios, le Dieu gréco-romain de la médecine, représenté avec son attribut le bâton enroulé d’une couleuvre.
Quant au personnage féminin, la femme au serpent, elle rappelle la divinité guerrière Minerve – patronne des villes et fille de Zeus – et l’épisode mythologique selon lequel Laocoon avertit en vain les Troyens de ne pas accepter le cheval de bois abandonné par les Grecs. Il fut alors étranglé par des serpents envoyés par Minerve.
Notes :
1- Le contrapposto est un mot adopté de l’italien qui désigne l’attitude du corps humain où l’une des deux jambes porte le poids du corps, l’autre est laissée libre et légèrement fléchie. Ce procédé induit une torsion des corps et donne une impression plus vivante qu’une pose frontale. La sculpture antique et les artistes maniéristes utilisent largement cette technique dans les arts visuels.
2- A la Renaissance, l’outremer est plus coûteux que l’or. Son utilisation est prévue par les contrats et les mécènes l’achètent souvent séparément. Les riches commanditaires de Titien s’assurent de pouvoir se procurer ce pigment de qualité supérieure. L’extraction de cette couleur est compliquée, elle requiert un travail intense : il faut un kilo de minéral pour trente grammes de pigment. De nos jours encore, le meilleur lapis-lazuli provient du Badakhshan en Afghanistan ; des peintures rupestres découvertes sur place laissent supposer que le lapis-lazuli fut utilisé comme pigment dès le VIème siècle de notre ère.
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